L’Institut agricole de Grangeneuve est l’un des seuls établissements en Suisse à posséder ses propres exploitations-écoles. Véritables outils pédagogiques, la ferme-école et la laiterie-école de Grangeneuve représentent la filière laitière pour le canton de Fribourg et pour la Romandie. Gaël Niquille, responsable des ateliers laitiers, nous invite à plonger dans les coulisses de la fromagerie-école, cet important pôle de formation, d'innovation et de production.
Vous êtes minutieux, précis, vous aimez la chimie et le calcul et vous êtes capable de vous occuper de plusieurs tâches en même temps? Vous possédez donc les qualités de bases requises pour entamer une formation de technologue du lait. Encore faut-il que vous nourrissiez une passion pour la transformation et les produits dérivés de cette matière première étonnante. Cette passion, elle anime Gaël Niquille depuis son adolescence. Fasciné par les possibilités incroyables de la transformation du lait et emballé par des étés passés comme garçon de chalet, le jeune trentenaire débute sa formation en 2003 comme apprenti de la fromagerie-école de l’Institut agricole de Grangeneuve. Après avoir passé son brevet, il retourne travailler à la laiterie-école comme maître-fromager. Depuis 2017, il occupe le poste de responsable des ateliers laitiers, outil pratique à l’échelle 1:1 pour la formation des technologues du lait.
Une production éclectique, support d’un apprentissage varié
Autrefois séparée en deux apprentissages distincts, celui de fromager et celui de laitier, la filière unique de technologue du lait enseigne la fabrication d’un large panel de produits laitiers allant du fromage à pâte dure aux glaces artisanales. Pour ce faire, la fromagerie de Grangeneuve dispose d’un appareillage varié permettant non seulement la réalisation de différentes spécialités, mais reflétant également les deux axes de production, artisanal et industriel. Ainsi, deux chaudières pour la production artisanale de Gruyère AOP et de Vacherin fribourgeois AOP côtoient une chaudière industrielle dévolue à la fabrication de certains fromage à pâte mi-dure; même scénario du côté de la fabrication du beurre où la baratte artisanale boit du petit-lait face à sa cousine industrielle. “L’initiation pratique des élèves se veut la plus complète possible, tant en termes de produits qu’en termes de méthodes de production. Comme nous disposons d’un outillage complet, on nous demande souvent de pratiquer des essais pour l’élaboration de nouvelles spécialités”, explique Gaël Niquille.
La crème de la crème
A Grangeneuve, la fromagerie-école transforme quelque 1’700’000 kilos de lait par année issus de quatre producteurs de Posieux et d’Ecuvillens ainsi que de la ferme-école de l’Institut agricole. 80% de la production concerne la fabrication du Gruyère AOP, 10% sont réservés au Vacherin Fribourgeois AOP et 10% sont utilisés à la préparation d’autres spécialités dont des fromages à pâtes mi-dures et molles, du sérac, des yogourts, de la crème, du beurre et des crèmes glacées. Parallèlement, la fromagerie de Grangeneuve s’occupe également de transformer 25’000 kilos de lait de chèvre venant de Villargiroud.
Entre formation et commercialisation
Si les essais élaborés lors des cours pratiques par les élèves sont destinés à leur usage privé, la production quotidienne - commercialisée au magasin de Grangeneuve et auprès de divers détaillants par l’entremise de revendeurs - est assurée par six professionnels diplômés et quatre apprentis en formation. “La position de la fromagerie-école est un peu ambivalente. Nous privilégions la formation mais nous gardons des objectifs de rentabilité fixés par l’Etat, sans toutefois casser le marché. Nous sommes soumis aux mêmes contrôles de qualité Fromarte et taxations que les autres laiteries-fromageries”, souligne Gaël Niquille.
A l’écoute des tendances
Qui plus est, en tant que pôle de formation, la fromagerie-école se doit d’être à la pointe. “En collaboration avec CASEi (société de conseil en production laitière dont le siège est situé dans le même bâtiment que la fromagerie-école, ndlr) , nous restons attentifs aux nouvelles technologies. De plus, nous veillons à nous adapter aux tendances et aux modes de consommation. Ainsi, la nutrition, l’hygiène et la durabilité occupent une place importante dans la formation”, poursuit Gaël Niquille.
Concentré d’élèves à Grangeneuve
Actuellement, 110 élèves - issus principalement du canton de Fribourg, mais également des cantons de Vaud, Neuchâtel et Jura - suivent les trois ans d’apprentissage aboutissant à l’obtention d’un CFC; seize autres effectuent leur année de brevet et six élèves ont choisi la filière d’employé en industrie laitière (AFP) basée sur deux ans. Les futurs technologues du lait se rendent un jour par semaine à Grangeneuve, journée partagée entre cours théoriques en classe et cours pratiques à la fromagerie-école. Profession à majorité masculine, l’automatisation de certaines tâches, notamment lors de l’affinage, a permis à plus de filles de se lancer dans cette filière.
Forte demande pour les professionnels
Malgré la bonne fréquentation de l’école, la branche manque de professionnels. Les laiteries emploient toujours beaucoup de bras et une fois leur CFC en poche, de nombreux diplômés ne poursuivent pas dans cette profession, s’orientant souvent vers l’agriculture ou d’autres métiers connexes. Pourtant, l’irrégularité des horaires, week-end compris, ne freine pas les jeunes à se lancer sur cette voie. “Lorsqu’un apprenti termine sa formation, il est quasiment persuadé de trouver une place de travail”, argumente Gaël Niquille. Une garantie qui continuera d’en allécher plus d’un!
Christelle Grangier, janvier 2019