À Neirivue, la truite a la pêche
01.05.2024

À Neirivue, la truite a la pêche

Pisciculture de la Gruyère


À Neirivue, la truite a la pêche

Par Christelle Grangier

La pisciculture de Neirivue élève 10% de la production suisse de truites. Hameçonnage du chef d’exploitation Yves Sailleau pour plonger dans l’aquaculture. 
 

Entière, en filets, en tartare, en rillettes, en terrine, fumée, la truite se décline en autant d’écailles que peut en compter sa peau. Celle de Neirivue est issue d’un élevage raisonné, traçable à 100%. Après avoir obtenu le label Source de vitamine D par la Fondation suisse de nutrition et santé, ces produits de qualité ont obtenu la certification Fribourg-regio.garantie ce printemps.

Qualité relevée

 Depuis plus de quarante ans, la pisciculture de Neirivue fournit des truites arc-en-ciel vivantes ou apprêtées dans toute la Suisse. On retrouve la Truite de la Gruyère – nom déposé depuis 5 ans – sur de nombreuses tables, des étoilées au plus rustiques, à toutes les sauces et toutes les préparations. La truite de Neirivue séduit par sa finesse de sa chair, fondante et douce. Pour Yves Sailleau, chef d’exploitation et aquaculteur passionné, une bonne localisation et un mode de production raisonné sont nécessaires à l’obtention d’une qualité irréprochable, reconnue depuis plus de quarante ans.

 

 

Dans le courant d’une onde pure

Lorsqu’il fonde la Pisciculture de la Gruyère en 1980, Albert Bossy qui dirige l’entreprise jusqu’en 2019, choisit un lieu bien spécifique, niché au cœur de l’Intyamon. À deux pas du village de Neirivue jaillit la source de la rivière éponyme. Il s’agit d’une résurgence liée au bassin karstique qui draine les eaux des versants sud-est de la vallée de l’Intyamon, entre le Vanil Blanc, la Dent de Lys et le Col de Jaman. Albert Bossy y voit l’aubaine : une eau pure, avec peu de risques de contamination en amont, fraîche toute l’année. Il creuse quatre rangées de plusieurs bassins, en contrebas direct de cette source où l’eau jaillit à un débit moyen de 1000 l/s. Un quart de l’eau est dirigé vers les bassins qui fonctionnent en circuit ouvert avant de retrouver la rivière au niveau d’un étang de pêche, l’autre partie de l’eau s’écoule dans le lit de la rivière.

Du frais pour les truites

C’est la température de l’eau de la Neirivue à la source – stable durant toute l’année entre 7 et 10°C – dicte le choix de l’élevage de poissons : les salmonidés. Les perches ne se seraient pas plu à Neirivue ; elles préfèrent les eaux tempérées aux alentours des 18°C, comme peuvent l’offrir des lieux avec une géothermie active, comme pour les élevages de Rarogne et de Frutigen. Depuis plus de quarante ans, c’est la Truite arc-en-ciel qui donne de la nageoire dans les eaux fraîches de la pisciculture de Neirivue. Contrairement à sa cousine la Truite fario qui nage et fraye dans les lacs et rivières, la Truite arc-en-ciel est en Europe un poisson d’élevage ramené d’Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle. Avec sa bande rose de la tête à la nageoire caudale et ses flancs nacrés parsemés de taches noires, facile de la reconnaître.

À maturité

La Truite de la Gruyère doit aussi sa qualité à l’attention qui est portée à l’élevage. À Neirivue, les truites bénéficient d’une croissance lente et longue. Lorsque arrivent les bébés truites issus d’un élevage  situé au nord du lac de Constance – le même fournisseur depuis la création de la pisciculture – , ils pèsent entre 3 et 6 grammes. Durant 12 à 16 mois, les poissons prendront le temps de prospérer pour arriver – pour les plus costauds – à 2 kilos.   Les 380’000 individus que compte en moyenne l’exploitation bénéficient d’une alimentation de qualité, du granulé dont la composition et le diamètre varient selon l’âge et donc des besoins des truites. Un aliment comprenant de l’astaxanthine est distribué à un quart des poissons qui seront vendues en truites saumonées. C’est ce pigment naturel riche en bétacarotène – présent notamment dans certains crustacés – qui donne la teinte saumon au poisson. Seule l’apparence de la chair change, le goût reste le même. Réglée comme un coucou suisse, la distribution monitorée d’aliment permet une traçabilité sans faille de toute la production.

 


Un vivier de labels

Depuis le printemps 2024, la Truite de la Gruyère est certifiée Fribourg-regio.garantie. Les conditions optimales que propose la pisciculture de Neirivue a également permis à la Truite de la Gruyère d’obtenir le label  Source de vitamine D décerné par la Fondation suisse de nutrition et santé. L’ensoleillement du lieu et les bassins peu profonds favorisent la synthèse de la vitamine D chez les poissons. Il a ainsi été établi que 200 grammes de filets de truite couvre les besoins en vitamine D d’un adulte, nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme, au niveau des muscles, des os et des hormones notamment.

De la région

La pisciculture de Neirivue produit chaque année entre 120 et 130 tonnes de truites. Environ 30 tonnes sont destinées à Migros Neuchâtel Fribourg qui commercialise les poissons gruériens sous le label De la région. Disposant d’une chaîne de production à Neirivue, la pisciculture se charge de lever les filets ou de vider les poissons entiers. Les produits sont ensuite amenés à Chevroux à la pêcherie de Bernard Wolf, partenaire de Migros, pour être conditionnés et se retrouver dans les étals du géant orange.

Livraisons de poissons vivants

Mais la grande majorité des truites élevées dans l’Intyamon quittent Neirivue vivantes ! Plus de 70 tonnes sont transportées chaque année pour être livrées dans d’autres piscicultures, 10 tonnes de truites sont même relâchées dans le lac de Lungern (OW) où elles font le bonheur de pêcheurs occasionnels ou chevronnés qui s’empressent au bien nommé Fischerparadies.

 

 

S’essayer à la pêche

A Neirivue aussi, on peut s’essayer à la pêche, sans permis, durant la période entre Pâques et la Toussaint. Un étang a été aménagé pour offrir une expérience ludique à chacun. La pisciculture prête les cannes à pêche simples et fournit gratuitement les appâts. Il reste à attendre que ça morde! Les pêcheurs peuvent repartir avec leurs poissons, vendus entiers à 22.- le kilos ou vidés et nettoyés à 24.- le kilo. Un magasin ouvert toute l’année – un horaire pour l’hiver, un autre pour l’été – propose des poissons entiers, en filets, de la truite fumée, des beignets surgelés et d’autres produits à base de truite.

Fumée sans feu

Les manières de déguster la truite sont presque infinies ! Crue, cuite ou fumée, entière ou en filet, nature ou en sauce, le produit invite à la découverte. La pisciculture de Neirivue collabore d’ailleurs avec plusieurs producteurs qui mettent en lumière les truites de l’Intyamon. La pêcherie de Bernard Wolf à Chevroux se charge des truites fumées à chaud. Les filets passent en saumure, puis elles sont cuites et fumées en même temps. La pisciculture propose également de la truite fumée à froid, selon le même procédé que pour son cousin le saumon. C’est la Boucherie Moret à Bulle et Vuadens qui se charge de l’opération. De gros filets de truite sont passés d’abord au sel à sec afin d’extraire l’eau contenue dans les fibres, puis ils sont légèrement fumés à basse température. Si elle se déguste comme du saumon fumé, la truite fumée à froid est moins grasse mais tout aussi goûtue.

Transformations multiples

Yves Sailleau se réjouit de ces collaborations avec des artisans locaux qui permettent de diversifier sa gamme et de sublimer son produit. Madame Tartare – Sophie Beaud – propose un tartare de truite de Neirivue prêt à manger, conditionné en surgelé. Denis Grossrieder concocte selon les saisons plusieurs de ses terrines Chez Denis à base de truite de la pisciculture : aux asperges, aux chanterelles, au foin, au safran du Vully ou mariée avec de l’écrevisse du Léman. Luc Ackermann, à Riaz, propose lui aussi des conserves et produits à base de truite : terrine marbrée aux deux truites, truite fumée et pamplemousse rose, rillettes et quenelles. De quoi se laisser largement tenter et faire le plein de vitamine D. La Truite de la Gruyère, un vecteur de bonne humeur!