Pour atteindre la ferme des Panchettes, il faut arpenter la campagne sarinoise entre Onnens et Corjolens. Aidé par une pancarte qui annonce la couleur, on se hasarde à contourner un champ de maïs. Enfin, le domaine apparaît, précédé d'une allée de feuillus. C'est dans cette oasis de calme baignée de verdure que depuis vingt ans, Marie-Jeanne Brönnimann accueille petits et grands gourmands à sa Table d'hôtes la première du genre ayant vu le jour dans le canton de Fribourg. Ce mois, nous vous invitons « Chez La Marie », un reportage mijoté par nos soins.
A peine arrivés, c'est une grande boule de poils affectueuse qui nous accueille, un bouvier bernois répondant au nom évocateur de Flocon, notre guide jusqu'à notre hôtesse Marie-Jeanne qui nous attend quelques mètres plus loin, sous un mirabellier. En guise de bienvenue, Marie-Jeanne nous tend un verre de vin de Cheyres et une assiette remplie de morces de cuchaule tartinées de moutarde de Bénichon. A la Ferme des Planchettes, aux mois de septembre et octobre, pas de doute sur le contenu du menu. Ici, on mange de saison. Et là, c'est la Bénichon. On se prépare, on salive, on veille Flocon qui lorgne sur l'assiette de tartines.
Quelques gouttes de chasselas plus tard, la maîtresse des lieux nous fait entrer. Les deux salles à manger réservées à ses hôtes n'ont pas beaucoup changé depuis leur ouverture en mai 1998. « A l'époque, la police du commerce n'avait jamais eu à traiter une demande d'ouverture pour une table d'hôtes et ne savait pas quelle affectation donner à cette activité. Nous avons finalement obtenu l'autorisation, sous condition de faire avec l'existant », précise Marie-Jeanne en passant le pas de la porte. C'est donc dans l'ancien garage équipé, restauré en 2005, que les Brönnimann installent leur table d'hôtes. L'idée leur était venue lors d'un voyage en France où ce genre d'établissement était déjà monnaie courante. « Nous organisions déjà depuis 1992 des brunchs à la ferme durant lesquels nous recevions plus de 350 personnes à la fois. En voyant ce que faisaient nos voisins français, on s'est dit qu'on n'était pas plus bêtes et qu'on pouvait tout à fait accueillir des hôtes toute l'année, en plus petits groupes », poursuit Marie-Jeanne avant de filer près de ses fourneaux.
La vingtaine de convives s'organise en tablées. Tout ce petit monde s'installe dans la salle principale, accompagné par le son des schwytsoises de Julien Ballif et Guillaume Blanchard, les « Amis du Solitou ». Appelés pour l'occasion, les musiciens gruériens ponctuerons le repas de musique populaire. C'est monnaie courante « Chez La Marie », surtout en période de Bénichon. Et si ce n'est pas au son des Schwyzerörgeli que l'on danse aux Planchettes, c'est que Marie-Jeanne a réveillé un juke-box d'un autre âge promettant un programme aussi varié que Gold, Claude Barzotti ou Bernard Romanens.
Après Etoile des neiges, les invités se réchauffent avec une assiette de soupe aux choux, le temps pour Marie-Jeanne de désosser le jambon et découper le lard et le saucisson qui garniront le prochain service. Notre cuisinière enchaîne le montage des assiettes avec chacune sa portion de viande, de choux et de carottes et une pomme de terre. Comme la place de travail n'est pas grande, Pamela, la fille de notre hôte, les enlève habilement pour les déposer devant les convives. Marie-Jeanne sait qu'elle peut compter sur Pamela, même si cette dernière consacre une bonne partie de son temps à son travail, dans l'hôtellerie. Outre le service à la table d'hôtes, elle s'occupe souvent de faire le pain. A la Bénichon, les invités ont droit à de la tresse, c'est la fête jusque dans le panier !
Pas de doute sur le prochain plat : la tradition appelle le gigot et la cohorte de senteurs qui s'échappent du four nous donnent raison. Le reste de l'année, Marie-Jeanne propose à ses hôtes des côtes de bœuf limousin, élevé à la ferme des Planchettes par son fils Samuel qui a succédé il y a quelques années à son père Charles à la tête de l'exploitation laitière et céréalière. Mais lorsque Marie-Jeanne propose de l'agneau ou du porc à ses convives, elle se sert à la boucherie d'Onnens où elle trouve des produits de qualité issus d'élevages des environs. Côté verdure, la majeure partie provient du jardin et du verger de la ferme. On ne s'y trompe pas, les haricots et Poires à Botzi AOP des Planchettes font merveille aux côtés du gigot, de la purée et de son « volcan » de sauce.
Comme chez grand-maman, Marie-Jeanne cuisine des mets simples, sans âge, consciencieusement mijotés. « De plus en plus de gens veulent retrouver le goût des produits, recherchent ce qui est fait maison. », affirme notre cuisinière. Et on vient de loin pour goûter à ces mets traditionnels ! En vingt ans, les Brönnimann ont accueilli des visiteurs des cinq continents. Du puissant homme d'affaires au chef étoilé, de la famille américaine aux membres du Conseil Fédéral, peu importe les hôtes, Marie-Jeanne reçoit chacun de la même manière. « C'est une règle de base ! Une personne n'a pas plus de valeur qu'une autre, même s'il ne conduit pas lui-même sa voiture ! ». renchérit-elle.
Après un petit coup de Sentiers valaisans par les Amis du Solitou, les douceurs s'alignent devant les convives : meringues et douceurs préparées par la patronne, accompagnées de crème double. Afin d'apporter une note fruitée du dessert, Marie-Jeanne ajoute une mirabelle du verger et un parfait glacé à la Poire à Botzi AOP relevé à l'eau-de-vie, prélude au café qui restera le point d'orgue de ce repas de Bénichon, dans la plus pure tradition fribourgeoise.
Christelle Grangier, septembre 2018
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