Depuis trois décennies, Jacques Yerly évolue dans le monde la minoterie. Et il est loin de patiner dans la semoule ! Pétri de beaux projets, il excelle dans l'innovation et dans la diffusion de ses produits. Rencontre avec ce fringant personnage, figure incontournable du monde de la boulangerie, directeur de Mino Farines SA au moulin de Granges-Marnand.
Le souvenir du pain frais, croustillant et odorant que son père rapportait chaque matin fait encore frémir Jacques Yerly. C'est autour de la table familiale, entre les tartines et ses 9 frères et sœurs, qu'est née la passion pour le pain chez ce garçon de Treyvaux. Cet enthousiasme pour le monde de la boulangerie se concrétise d'ailleurs par un apprentissage de boulanger-pâtissier à la confiserie du Tilleul à Fribourg. Après un bref passage chez Suter Viandes SA pour peaufiner sa formation dans le domaine de la vente, il fait ses premiers pas dans le monde des farines auprès de la société Minoteries de Plainpalais à Genève, ancienne identité de Groupe Minoteries SA. En 2006, il est nommé directeur de l'unité d'affaires Mino-Farine pour la Suisse latine, poste qu'il occupe encore à ce jour.
Fils de paysan, Jacques Yerly cultive une sensibilité manifeste pour les produits du terroir. Située en terre vaudoise, enclavée dans les méandres cantonaux de la Broye, l'entreprise qu'il dirige propose d'ailleurs depuis plusieurs années une gamme de farines estampillée « Fribourg » à ses clients. Cette traçabilité, garantie et contrôlée drastiquement par Procert [organe de certification de labels accrédité par la Confédération, ndlr], s'est vue soulignée par la création du label certifié de Terroir Fribourg. « Le label Terroir Fribourg permet à mes clients boulangers fribourgeois de valoriser nos spécialités que d'autres cantons nous envient », relève Jacques Yerly.
Cette anticipation de la demande revêt une importance particulière avec la mise en application du cahier des charges de la Cuchaule AOP, exigeant l'origine fribourgeoise des ingrédients. « L'origine protégée promet au consommateur une sécurité, et garantit que le produit qu'il achète ne vient pas de Pologne. Avec la Cuchaule AOP, l'intégralité de la filière est attestée et montre que l'on ne triche pas », se réjouit Jacques Yerly.
Pas question pour notre « meunier » de s'endormir sur ses lauriers. « Il faut garder le feu sacré, c'est important d'aimer ce que l'on fait au quotidien ! », scande ce dynamique quinqua. Plus qu'un métier, la boulangerie représente un art de vivre pour Jacques Yerly. Même en escapade avec sa compagne, boulangère également, il ne se lasse pas de déguster, découvrir, rechercher les spécialités boulangères du lieu qu'il visite, en Suisse ou ailleurs. Si chaque région de notre pays montre des spécificités, Mino Farine prend en compte les demandes différentes de ses partenaires et produit selon les volontés de chacun. Aussi, l'entreprise propose à ses clients, artisans boulangers et autres professionnels de la gastronomie, un assortiment de plus de 300 sortes de farines, dont une vingtaine de mélanges exclusifs prêts à l'emploi.
Sa connaissance étendue du milieu de la boulangerie confère également à Jacques Yerly un rôle de conseiller et même de confident pour ses clients. « Comme nous livrons une majorité de boulangeries pour une partie de leur production, je connais tous les boulangers de Suisse romande ! », sourit-il. Il arrive fréquemment que ses clients lui demandent une expertise, l'avis « panoramique » d'un professionnel. Plusieurs fois, il a participé à l'évolution ou à la remise de commerces. Mino Farine, identité commerciale pour les artisans boulangers, pâtissiers et confiseurs du Groupe Minoteries SA, propose d'ailleurs son aide à un boulanger qui souhaite lancer son affaire. « Un bon artisan ne fait pas forcément un bon entrepreneur ! Nous le guidons volontiers dans le calcul des ratios, des coûts, des marges en lui donnant des outils qui lui permettent de valoriser ses produits et de garder un contact chaleureux avec sa clientèle. », précise Jacques Yerly.
Pour le directeur du moulin de Granges-Marnand, le vendeur en boulangerie doit pouvoir orienter ses clients de la même manière qu'un œnologue, au moyen d'un lexique propre à la dégustation du pain. C'est de cette idée qu'est né le projet d'évaluation sensorielle « Emosens », présentant pour chaque spécialité Mino Farine une carte d'identité détaillée, description tant visuelle que gustative. Cette approche personnalisée et professionnelle engage une relation privilégiée avec la clientèle dont les besoins et les habitudes évoluent. « Cette communication est indispensable, c'est le moyen de nous différencier des grandes surfaces ! Il faut vendre le pain plaisir !», conclut Jacques Yerly, entrepreneur actif qui ne roule pas ses clients dans la farine !
Christelle Grangier, août 2018